Le loupé par Christophe Babec.

Le loupé.
.par Christophe Babec, vendredi 16 décembre 2011, 19:30 ·.Le Loupé



Après l'une des premières chaudes journées d'Avril, la nuit avait été fraiche, favorisant la naissance de cette brume chargée d’humidité.

De mon abri, je distinguais pourtant mes deux cannes, immobiles sur leurs pics, scions pointés vers les abysses, les lignes détendues formaient deux guirlandes opaques chargées de mille gouttelettes d’eau entre les scions et la surface calme de la rivière

Le bruit sourd d’une carpe sautant hors de l’eau m’avait sorti d’un sommeil léger, ma nuit avait été très calme, trop calme, et même les ragondins, d’ordinaire bruyants, m’avaient laissé dormir.








Un second saut de carpe, me fît me redresser, et sortir du duvet, il me fallait remettre des appâts frais sur mes lignes, je fais toujours cela après une nuit de pêche.

Je choisi minutieusement une bouillette qui s’adapterait parfaitement sur le cheveu, mis une pate d’enrobage autour, et replaçais la ligne avec précision, seul le bruit du plomb touchant l’eau rompit le silence, suivit bientôt par la deuxième ligne, qui venait de subir le même rituel.

La cafetière était en train de finir son travail lorsque le détecteur réglé au minimum, m’avertis qu’une belle était pendue à l’hameçon, elle n’avait pas attendu que je prenne mon petit déjeuné, pour prendre le sien, c’est souvent ainsi, à croire, que ces belles inconnues nous épient depuis le fond de l’eau, faisant exprès de nous stopper dans une occupation, prioritaire.

Enfin… là, c’était pendant la pause café, cela aurait été plus gênant si la facétieuse, s’était mis en tête de me déranger durant un don écologique matinal.

Quoi qu’il en soit la fraiche rosée s’insinuais entre mes pieds et la semelle de mes savates, mais je m’en moquais, je me tenais là, face à la rivière, combattant dès l’aurore avec un poisson, qui lui, luttait pour sa vie, ne sachant pas que le « no kill » était entré dans les mœurs de la pêche moderne, pour une fois le modernisme rimait avec bon sens.

La canne se pliait sous les assauts désespérés de la carpe, car j’en étais sûr, c’était une carpe, et une belle, au vu de la parabole qui prolongeais mes bras, qui me prolongeait.

Ne faisant qu’un avec la canne, ne faisant qu’un avec la ligne, ne faisant qu’un avec la carpe, je comprenais ses mouvements, je vibrais à son rythme, devinais ses moindres gestes, ses moindres revirements, et puis soudain…. plus rien, le silence, plus de parabole, plus de rythme, plus de mouvement, plus de pensées, plus rien..

Plus rien que la vibration nerveuse, et désemparée des muscles tétanisé par l’effort et la frustration, la frustration d’avoir loupé un rendez-vous important, la frustration de ne pas avoir pu connaître l’invitée.

Heureusement, il me restait le café, et ce soleil matinal et apaisant qui transperçait la brume, On ne gagne pas à tous les coups.

Ce soir la nuit viendras, et avec elle, tous les espoirs et les rêves d’un rendez-vous réussi

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